Nous vivons à une époque où l’obsolescence programmée est la norme ; tout appareil manufacturé est conçu pour tomber en panne à plus ou moins brève échéance et si possible de manière à ne pas être réparable.
Lorsque monsieur Gustave De Kerngolen, agriculteur finistérien de 67 ans, acheta son tout premier téléphone portable, il n’avait qu’une vague idée de son fonctionnement, et une connaissance encore plus nébuleuse des composants qu’il renferme. Il acquit l’appareil sur l’insistance de son gendre qui l’avait suffisamment assommé d’arguments du genre « Tu verras que ça te sera très utile au quotidien », « tu pourras facilement parler avec tes petits enfants », ou encore « ça nous rassure que tu puisses appeler de n’importe où ». Pas un instant intéressé par les nouvelles technologies, Gustave finit par céder, surtout pour faire taire son bon à rien de beau-fils.
Cependant, l’exemplaire du Nokia 2210 qui échut au brave agriculteur possédait un défaut de fabrication indécelable et qui ne s’est fort heureusement jamais reproduit depuis. À la suite de l’éternuement d’une ouvrière au-dessus de la ligne de fabrication, une colonie de bactéries listeria monocytogenes (NDA : prononcer à la latine) élue domicile dans un des réactifs de la batterie. Connaissant les propriétés électrogénératrices de ce bacille pathogène (NDA : authentique), on ne s’étonnera pas que la batterie insérée dedans soit complètement défaillante : en effet, elle possédait un taux de décharge insignifiant. En d’autres termes, durant les 12 ans que Gustave conserva l’appareil, il n’eut jamais besoin de le brancher sur le secteur. Lorsqu’il décéda, la jauge de batterie du Nokia indiquait encore 7 segments pleins sur 8.
De longues années plus tard, lorsque son arrière-petit-fils retrouva l’appareil au fond d’un grenier, celui-ci ne possédait plus que 1% de batterie, ce qui correspondait à environ 3 mois d’utilisation. Par curiosité, l’adolescent voulut le recharger, mais le cordon n’avait pas résisté à l’usure du temps. Dépité, il jeta le tout au recyclage, trouvant de toute manière le modèle complètement dépassé.
Nous ne saurons donc probablement jamais comment cette colonie de bactéries avait pu produire autant de courant pendant toutes ses années ni comment elle était apparue à l’intérieur des fosses nasales d’une ouvrière finlandaise.
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